Le monde du bout du monde Luis Sepulveda

Publié le par Lucie P

"Appelez moi Ismael...appelez-moi Ismael ..." Je ne cassais de me répéter cette phrase en attendant dans l'aéroport de Hambourg, et je sentais qu'une force extraordinaire rendait mon mince billet d'avion plus lourd, toujours plus lourd à mesure que l'heure du départ approchait.

J'avais passé le premier contrôle et j'arpentais la salle d'embarquement, accroché à mon sac de voyage. Je ne l'avais pas rempli exagérément: un appareil photo, un carnet de notes et un livre de Bruce Chatwin, En Patagonie. J'ai toujours détesté les gens qui soulignent ou mettent des annotations dans les livres, mais dans celui-là mots soulignés et points d'exclamation s'étaient accumulés au bout de trois lectures. Et je comptais le lire une quatrième fois pendant le vol Hambourg-Santiago du Chili.

J'avais toujours voulu retourner au Chili. Oui, je le voulais vraiment, mais au moment de la décision la peur l'emportait, et le désir de retrouver mon frère et les amis que j'ai là-bas était devenu une promesse en laquelle je croyais d emoins en moins à force de l'avoir trop répétée.

J'avais passé trop d'années à vagabonder sans but précis, et, parfois, l'envie de m'arrêter me conseillait un petit village de pêcheurs en Crète, Ierapetra, ou une paisible bourgade asturienne, Villaviciosa. Et puis, un jour, le livre de Chatwin m'était tombé entre les mains, et voilà qu'il m'avait rendu à un monde que je croyais avoir oublié et qui m'attendait toujours: la monde du bout du monde.

Quand j'avais lu pour la première fois le livre de Chatwin, j'avais pris de la nostalgie du retour, mais la Patagonie était trop loin des simples désirs, et les distances ne font souffrir que lorsqu'elles sont associées à des souvenirs.

Aéroport de Hambourg. Les voyageurs entraient et sortaient de la boutique hors-taxes, occupaient le bar, certains avaient l'air nerveux, ils regardaient leur montre comme s'ils doutaient de l'exactitude repétée sur des douzaines d'horloges électroniques. Le moment approchait où les portes allaient s'ouvrir et où, après le contrôle des cartes d'embarquement, un bus allait nous mener à l'avion. Je pensais qu'après vingt quatre ans d'absence je revenais au monde du bout du monde."

Publié dans Chili

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<br /> Est-ce toi l'auteur de ce texte? ? ? si c'est le cas... tu m'impressionnes enormément ! Merci en tout cas pour ce texte, car avant de partir un globe-trotter à en effet toujours besoin de rêver les<br /> destinations qu'il tend à découvrir.. même si des fois la satisfaction est au rendez-vous..L'expèrience vaut tout de même le voyage ^^ . D'autre part, ayant été en Australie, Thailande et<br /> singapour, je comprends parfaitement l'interet de voyager par la pensée au préalable! J'adore ce texte! encore merci! Il m'a fait voyager avant de le faire concretement. Et pour la partie sur le<br /> Chili, tes photos (bien que peu nombreuses) me donne vraiment envie d'y aller. sur ceux Merci encore et bon courage pour ton blog!<br /> <br /> <br />
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